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discorde. La Sagesse, qui menait la première communauté, ne s aventurait jamais sur
un sentier, qu il soit ou non battu, avant d en être familier et de l examiner avec
attention, pour s assurer de sa destination, des dangers, des difficultés et obstacles
plus ou moins probables. Elle prenait d habitude un certain temps avant de rendre son
verdict ; un retard qui déplaisait beaucoup à la Confiance en Soi, toujours sur le pas
de course, et sans trop de prévoyance ni de jugements au premier sentier qu elle
croisait. La Sagesse et la Vertu étaient inséparables. Mais un jour, la Confiance en
Soi, fidèle à sa nature impétueuse, prit une formidable avance sur ses guides et
compagnes et, ne ressentant pas le besoin de leur compagnie, elle ne s enquit jamais
de leurs nouvelles et ne les revit plus. D une manière comparable, l autre commu-
nauté, bien que formée par Jupiter, se trouva en désaccord et se scinda. Comme la
Folie ne pouvait guère voir devant elle, elle ne pouvait déterminer si un sentier était
avenant ou non, ni donner une préférence à l un plutôt qu à un autre ; et ce manque
de résolution se trouvait augmenté par le Manque d Assurance qui, plein de doutes et
de scrupules, retardait toujours le trajet. Cela irritait beaucoup le Vice, qui n aimait
pas entendre parler de difficultés et de retards, et qui n était jamais satisfait que de sa
propre course folle, quel que fût le résultat de ses inclinations. La Folie, il le savait
bien, bien qu elle n écoutât que le Manque d Assurance, serait aisément apprivoi-
sable quand elle serait seule et ainsi, tel un cheval vicieux détrônant son cavalier, il
expulsa ouvertement l entrave à tous ses plaisirs, et reprit sa route avec la Folie dont
il est inséparable. La Confiance en Soi et le Manque d Assurance, ainsi écartés de
leur communauté respective, errèrent quelque temps, jusqu à ce qu enfin le hasard les
mène au même moment à un village précis. La Confiance en Soi se dirigea d emblée
vers la grande maison, qui appartenait à la Richesse, maîtresse du village; et sans
attendre le portier, elle s immisca directement dans les appartements privés où elle
rencontra le Vice et la Folie qui avaient été bien accueillis. Elle se joignit à la compa-
gnie, alla promptement se recommander à la maîtresse des lieux et devint si complice
avec le Vice qu elle fut admise dans la même communauté, avec la Folie. Ils étaient
souvent les invités de la Richesse et dès lors, en furent inséparables. Le Manque
d Assurance, pendant ce temps, n osant approcher la grande maison, accepta l invita-
tion de la Pauvreté, l un des locataires. Quand il entra dans la maisonnette, il trouva
la Sagesse et la Vertu qui, rejetées par la maîtresse du village, s étaient retirées en ces
David Hume, Essai sur l orgueil et la modestie (1741) 6
lieux. La Vertu éprouva de la compassion pour lui, et la Sagesse jugea que d après
son tempérament, il ferait rapidement des progrès : elles l acceptèrent donc dans leur
communauté. Par conséquent et grâce à elles, certains aspects de son attitude
changèrent en peu de temps et, devenant bien plus aimable et engageant, il fut connu
sous le nom de Modestie. Comme une communauté corrompue produit de bien plus
grands effets qu une bonne communauté, la Confiance en Soi, plus réfractaire aux
conseils et à l exemple, dégénéra tellement au contact du Vice et de la Folie qu elle
prit le nom d Orgueil. Les Hommes, qui virent ces communautés telles que Jupiter
les avaient d abord formées, et qui ne savent rien de ces bouleversements, sont ainsi
plongés dans d étranges erreurs : là où ils rencontrent l Orgueil, ils voient la Vertu et
la Sagesse; et là où ils observent la Modestie, ils nomment ses acolytes Vice et Folie.
Fin de l essai.
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