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l'année 1917 les réclamations contre les compagnies de messageries, en Allemagne, s'étaient élevées à 35
millions de marks, tandis qu'elles avaient à peine atteint quatre millions l'année précédente, ce qui prouve que
les vols commis prenaient des proportions gigantesques, et en raison directe de la difficulté du ravitaillement.
En 1916, nous avions obtenu de l'inspecteur des prisons la permission de faire installer à nos frais un poêle à
gaz dans l'une des cellules à notre disposition. C'est là que, chaque jour, entre onze heures et midi, on pouvait
Chapitre XVII. OU IL EST PARLÉ DE MENU 34
Mille et un jours en prison a Berlin
voir réunis tous les prisonniers de nationalité anglaise qui venaient fricoter. Cette cuisine était sous la
direction de l'un de nous. Chacun y pouvait faire cuire ses ragoûts moyennant une faible redevance pour
défrayer le coût du gaz. Nous avions même un contrôleur chargé de tenir les comptes, et surtout de veiller à ce
que le gaz ne fût pas gaspillé. Ce surveillant gardait toujours de l'eau chaude en quantité suffisante pour
suffire aux demandes de tous les prisonniers, et il la vendait à raison de un pfenning le litre (ce qui équivaut à
un quart de sou la pinte suivant notre manière de compter). Les pauvres Polonais, surtout durant les mois
d'hiver, venaient chez nous acheter de l'eau chaude. J'ai vu bien des fois ces misérables prisonniers retourner à
leur cellule avec leur litre d'eau chaude aussi joyeux que si nous leur eussions fait présent d'un bifteck ils
avaient trouvé là une façon peu coûteuse de rétablir la circulation dans leur estomac vide.
Toutes les cellules occupées par les prisonniers anglais étaient chaque jour assiégées par les mendiants. Nos
principaux clients étaient les Polonais. Après avoir été témoin de la générosité inlassable de tous mes
compagnons de captivité de nationalité anglaise, je suis certain que ces milliers de Polonais, qui, au cours des
quatre années de guerre, ont séjourné à la prison, auront gardé un souvenir impérissable de la charité et de la
compassion de tous ceux qui étaient assez favorisés de la fortune pour recevoir des colis. Quand ils seront
enfin de retour dans leur pays dévasté et pillé, ils témoigneront devant leurs compatriotes de leur
reconnaissance envers ceux qui se sont empressés de soulager leurs souffrances et leurs privations.
Il était naturellement impossible de subvenir aux besoins, même les plus urgents, de tant de nécessiteux. Nous
étions là une moyenne de dix à quinze Anglais, et l'on pouvait compter, en tout temps, pas moins de cent
cinquante Polonais. Les autorités anglaises du camp de Ruhleben méritent une mention spéciale pour l'intérêt
constant qu'elles ont porté non seulement aux prisonniers de nationalité anglaise enfermés à la Stadvogtei,
mais encore aux Polonais et aux Belges en particulier.
Lorsque j'étais à la tête du comité des secours, à la prison, j'ai reçu, à maintes et maintes reprises, du camp de
Ruhleben, d'énormes caisses de biscuits et d'autres provisions, destinées à soulager les plus nécessiteux, non
seulement ceux de nationalité anglaise, mais également tous les ressortissants des pays alliés de l'Angleterre.
Je m'étais adjoint un Suisse pour m'aider à faire cette distribution. J'aurai occasion, un peu plus loin, de dire un
mot au sujet de ce M. Hintermann.
Chapitre XVIII. EN MA QUALITÉ DE MÉDECIN
Pendant mes trois années de captivité à la prison de Berlin, j'ai pu pratiquer ma profession de médecin assez
librement. Les soins médicaux étaient censés être donnés aux prisonniers par un vieux praticien de Berlin qui
venait à la prison chaque jour, de neuf heures à dix heures de l'avant-midi. Les malades, quand ils pouvaient
marcher, se rendaient à son bureau, accompagnés par un sous-officier. A dix heures, le vieux médecin
quittait la prison pour n'y revenir que le lendemain à la même heure, de sorte que pendant 23 heures, chaque
jour, j'étais le seul médecin auquel on pouvait avoir recours dans la section de la prison où se trouvait ma
cellule.
L'une des trois sections triangulaires de la prison était exclusivement occupée par les soldats allemands
accusés d'avoir manqué à la discipline. La plupart attendaient là le moment de passer en Cour martiale. A
plusieurs reprises, j'ai été prié d'aller donner mes soins à quelques-uns d'entre eux. Durant le jour, je faisais la
visite des malades en allant de cellule en cellule, mais durant la nuit, comme toutes les portes des cellules
étaient fermées à clef, depuis sept heures du soir jusqu'à huit heures le lendemain matin, il fallait qu'un
sous-officier vînt me quérir. Ces cas se présentaient assez souvent. J'étais encore appelé chaque fois qu'un
prisonnier avait attenté à ses jours. J'ai pu constater, une dizaine de cas de suicide: les uns au revolver, d'autres
au moyen d'un rasoir, ou par la strangulation. Bien n'était plus triste qu'une détonation entendue au milieu de
la nuit dans cette sombre prison; les murs en étaient secoués; tous les prisonniers étaient arrachés à leur
sommeil, et chacun se demandait quel pouvait être le malheureux qui venait, d'attenter à ses jours. Quelques
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Mille et un jours en prison a Berlin
minutes plus tard, invariablement, ma cellule était ouverte, un sous-officier se présentait, et j'étais prié de
l'accompagner, soit pour constater la mort, soit pour donner des soins à un malheureux agonisant.
Les soins médicaux que je pouvais donner à tous les prisonniers sans distinction, et même aux sous-officiers,
quand ils les requéraient, avaient naturellement disposé en ma faveur la plupart des surveillants, et la liberté
de mouvement dont je jouissais comme médecin à l'intérieur de la prison, que l'on n'a jamais ou à peu près
jamais tenté de restreindre, me permit de rendre beaucoup de services à des prisonniers miséreux, soit en
leur apportant des médicaments, soit en leur fournissant des vivres. J'ai toujours été en cela généreusement
secondé par mes compagnons de captivité, surtout ceux de nationalité anglaise. On n'avait qu'à faire un appel
en faveur d'un prisonnier souffrant ou trop délaissé, pour voir accourir vers sa cellule plusieurs détenus
apportant l'un du thé et des biscuits, l'autre du pain et de la margarine... enfin, autant de choses qui pouvaient
soulager dans une large mesure les souffrances dont nous étions quotidiennement les témoins.
Un des cas les plus tristes dont j'aie été le témoin est celui de Dan Williamson. Dan Williamson s'était
échappé deux fois du camp de Ruhleben. Lors de sa première évasion, il fut capturé et interné à la Stadvogtei
où il demeura environ un an. Il fut alors interné de nouveau au camp de Ruhleben. Quelques mois plus tard, il
réussissait, avec son compagnon Collins, de tromper encore une fois la vigilance des gardes prussiennes, et à
prendre la direction de la frontière de Hollande. Tous deux furent repris et ramenés à la prison de Berlin.
C'était au temps où les prisonniers qui tentaient de s'évader étaient punis de deux semaines de cachot;
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